Il est une contrée méconnue des esthètes du volant, un monde terreux, régulièrement en proie à un pilonnage de
météorites jaunâtres, emplies
d’hexafluorure de soufre (le SF6) : la planète Roland-Garros.
Dans ce territoire hostile, des créatures difformes (souffrant
d’une hypertrophie brachiale latérale) ahanent, des bûcherons dissymétriques s’époumonent,
distribuant à tout-va de violents coups de « raquette ». Car, en ce lieu, l’objet
élancé, gracile, alliant légèreté et nervosité, que nous, badistes, manions
avec préciosité, s’est métamorphosé en un archaïque battoir, en un
préhistorique gourdin. De cette massue armés, des colosses cognent, brutalisant
des cohortes de pauvres pelotes qui peluchent et finissent par rendre l’âme
dans un ultime Pschittt…
Car, ces bourreaux s’échinent à tourmenter des sphères au
teint cacochyme, parcourues d’une grisâtre cicatrice (dès leur conception, une longue estafilade prémonitoire altère leur feutrage).
Tandis que les badistes échangent des volants, objet céleste
au fuselage tout en délicatesse. Tandis que de leur dextre, ils font virevolter ces Marylin
en jupette blanche, émoustillante crinoline à la délicate dentelure. Tandis que ces artistes font monter aux cieux
l’élégant volant, les « hommes
tennis » frappent des balles outrancièrement grimées de jaune, dans
une sorte d’incommensurable régression australopithèque.
C’est dans cet univers impitoyable, dans ce Guantanamo
parisien où les captives en tenue jaune sont confinées dans des
« tubes », où elles sont pressurisées par « boîtes » de 4, que s’est
immergé, trois semaines durant, Camille Ferran.
Pour mener à bien sa délicate mission, l'Intrépide n’a pas hésité à
se camoufler en « ball boy ».
Car, en effet, pour faciliter la tâche des minotaures qui arpentent
les allées de ce dédale, avec en bandoulière une immense besace enfermant tout un
arsenal de massues, des « ramasseurs de balles » sont tout
spécialement dressés. Ces lutins vert-bleus, marqués du sceau d'affairistes parvenus, issus des faubourgs (le Paris d’en bas), sont conditionnés pour rapporter les balles encore
viables à leurs tourmenteurs afin qu’elles soient à nouveau « passées à
tamis ».
Prudemment accroupis, pour éviter de se faire foudroyer
par un « boulet » mal ajusté, ces elfes profitent de la moindre accalmie pour prestement se faufiler le long des filets récupérer «
Emoticon » semi-comateux ou «
Smyley »
moribonds. Lorsque les bougres n’ont pas totalement explosé, ils les « rabiscoulent »
dans leurs menottes afin d'alimenter les canonniers de la terre battue.
Mais, lorsque impotentes, à force d’être molestée, les balles sont jugées hors d’usage, lorsqu’elles sont raplapla ou ont un coup de mou, l’Arbitre, grand ordonnateur des persécutions, réclame des « Balles
neuves » ! Les patraques, les impotentes sont alors mises au
rebut et disparaissent à tout jamais… recyclées pour être transformées en sols
sportifs ! Les commanditaires appelle cette annihilation massive, cette
disparition des traces :
l’Opération balles jaunes !
Camille very ball boy !
Pour infiltrer cet univers et espérer approcher au plus près les
« monstres », Camille-le-hardi a dû endurer une préparation physique
extrême, un drill sportif aux limites du supportable.
C’est, en effet, au terme d’une impitoyable sélection, qu’il
a été retenu pour avoir l’honneur de récolter des balles jaunes. Il a ainsi été
ciblé parmi quelques trois mille prétendants, répartis sur tout l’hexagone ! Un exploit à la hauteur de ses remarquables potentialités !
N’est pas en effet, ramasseur de boules blondes qui veut.
Cela se mérite. Des sélections-couperets, des camps
d’entraînement, où les nominés sont soumis à des conditions de vie extrême, sont
organisés et seuls ceux qui en réchappent peuvent prétendre côtoyer la crème du
tennis mondial. Camille est ainsi sorti encore vivace d’un stage qui a
rassemblé une semaine durant, à la Grande-Motte, le top du top des fortiches du
tennis héraultais. Au cours de cet endurcissement, il a subit une préparation
intensive : 5 heures quotidiennes de manœuvres sportives, mais très certainement aussi, dissection
de sphères dorées, décorticage des trajectoires improbables des projectiles et surtout
impérative remise à niveau en english (« out », « let »,
voire « in », n’ont désormais plus aucun secret pour lui) !
Une claustration où il a dû endurer les pires privations :
privation de portable (quasiment plus aucun lien avec le monde extérieur),
privation d’Internet et de jeux vidéos ! et… privation de sommeil !
Interdiction de roupiller avant minuit, voire une heure du mat. Obligation
de visionner des films ou de jouer aux cartes jusqu’à point d’heure, avec réveil en fanfare à 6h 30 ! Pas de
sieste non plus ! « En gros
rien », comme il nous l’a confié dans un souffle. Ce régime drastique dans le but de tester les
capacités des organismes juvéniles à résister à l'appétit chronophage du loup-Garros, un lycanthrope dévoreur de temps de repos.
Sorti vainqueur de cette épreuve, Camille a donc été l'un des 200 jeunes de 12 à 16 ans sélectionnés à travers toute la France pour s'immerger trois semaines dans un des temples du tennis mondial,
une sorte d’école buissonnière pour la bonne cause. Nonobstant, il a fait valoir ses qualités de sprinter, son dynamisme,
sa tonicité, sa souplesse, sa vista, autant de qualités intrinsèques à la
pratique du… badminton, sport complet auquel il s’adonne avec succès au sein de
l’AS Alain Savary !
Badiste accompli, il s’est certes prêté à
moultes cérémonies d’adoubement en mettant régulièrement genoux à terre face à
quelques maîtres ès-tennis : l’Impressionnant Tsonga, le Fabuleux Federer,
le Titanesque Djokovic ou encore le Roi Nadal (The number one). Mais gageons qu’en ces
instants de génuflexions, où il était bien contraint de s’incliner devant ces
« pointures », un volant guilleret continuait à tournoyer dans sa
caboche et à lui redonner espoir.
L’occasion d’échapper à cet assujettissement
n’allait effectivement pas tarder à se présenter à lui. Profitant d’une cérémonie dite de
clôture durant laquelle tous les yeux étaient braqués sur le mâle dominant afféré
à croquer sa huitième Coupe des Mousquetaires, Camille s’est fait la Belle, usant sans nul doute des qualités de grimpeur qu’il peaufine tous les jeudis
en faisant le mur à Prades-le-Lez. De nuit, il a taillé son chemin, avec en point de mire le Pic, pour rejoindre,
quelque peu exténué, Le Triadou, où il s’est effondré tout un lundi pour
récupérer de son périple. Ce n’est que le mercredi suivant que ce descendant
d’une longue lignée de Maréchaux, réputés pour dompter le Fer, est revenu aux
entraînements de bad en arborant un large sourire, celui qui illumine le visage
des braves de retour, leur Mission accompli. Un Camille nouveau
est donc réapparu, sûr de lui, grandi par cette aventure hors norme et prêt à
reprendre du service au sein de l’escadrille des AS-D-AS et... du TCSMT, le Tennis Club de St Mathieu, dont il est aussi un joueur chevronné !